MÜLLER (MAX)

MÜLLER (MAX)
MÜLLER (MAX)

MÜLLER FRIEDRICH MAXIMILIAN dit MAX (1823-1900)

Indianiste, linguiste, mythologue d’origine allemande, Friedrich Maximilian Müller a laissé une œuvre qui, avec ses vingt volumes, ouvrait un chemin de crête dans le massif nouvellement découvert de l’histoire des religions. Sanskriste, élève de Burnouf à Paris, chargé par la Compagnie des Indes d’éditer le Rig-Veda , il enseigna à Oxford de 1850 à 1876, avant de se consacrer à l’édition des Sacred Books of the East . Mais c’est par la linguistique, science alors neuve, que Müller a inauguré une autre science, sœur-épouse de la première: la mythologie comparée.

1850, c’est la date où toute l’Europe savante organise un savoir, avec ses chaires et ses instituts de recherche, autour d’une question fondamentale: d’où viennent ces histoires absurdes et sauvages sur le commencement des choses, l’origine des hommes, du soleil, des étoiles, de la mort? Pourquoi l’humanité a-t-elle si longtemps raconté les aventures infâmes et ridicules des dieux? Pourquoi les êtres divins sont-ils regardés comme incestueux, adultères, meurtriers, voleurs, cruels, cannibales? La mythologie comme objet de savoir est appréhendée dans un état de scandale qui mobilise les intelligences, rend urgente l’activité d’une science décidée à éclairer de ses lumières l’obscénité de la fable. Obscénité d’autant plus insupportable que les Grecs eux-mêmes, les plus raisonnables des hommes, attribuent à leurs dieux «des choses qui feraient frissonner le plus sauvage des Peaux-Rouges».

Pour Müller, de même que pour ses contemporains, A. Lang, E. B. Tylor, P. Decharme, A. Kuhn, la mythologie est perçue comme un irrationnel de la pensée et de la parole. L’explication ne peut être que linguistique. Car la «science du langage», après les conquêtes de la grammaire comparée et les victoires de la philologie védique, semble être un instrument assez puissant pour rendre compte de toute pensée langagière. Désormais, la Mythologie comparée (1856) se fait à travers les Leçons et Nouvelles Leçons sur la science du langage (1861-1864). Müller établit une stratigraphie de la parole, qui comprend trois phases: thématique, dialectale, mythopoïétique. La première est marquée par la formation d’une grammaire primitive. C’est alors que sont forgés les termes exprimant les idées les plus nécessaires pour toutes les langues du monde. La deuxième phase voit se différencier les deux grandes familles des langues — sémitique et aryenne — et se définir le système grammatical dans sa forme définitive. Au troisième âge s’ébauchent les premiers rudiments de la religion et de la poésie, avant que ne commencent à sévir les lois et les coutumes. C’est la phase mythopoïétique, qui correspond au stade où les premiers mythes apparaissent à la surface des phrases jaillies de la bouche de l’humanité première. Étranges bulles qui crèvent les mots, comme de sombres boutons fleurissant soudainement sur une peau qui semblait saine. À l’origine, et conformément à la Genèse, qui sert de référence, «toute la terre n’avait qu’un seul langage et un seul parler». Les choses éveillaient en l’homme des sons qui se matérialisaient en racines et engendraient des types phonétiques . Mais l’humanité qui «résonnait» devant le monde est menacée par une maladie singulière. Dès que s’altère le sens primitif des mots et des noms, dès que le mot «jour» cesse d’être identique à «Zeus-ciel lumineux», les puissances mythiques commencent à obscurcir l’horizon du langage. Les images prolifèrent, les dieux grandissent et la langue commence à parler plus qu’elle ne dit. Voilà que le langage est gonflé d’un «surplus de signification». Et dès qu’un locuteur ne sait plus qu’il doit retrancher un excès de sens, il devient la dupe des mots prononcés. Ces illusions du langage se condensent dans le discours étrange et déconcertant des mythes.

Linguistique des Lumières, car c’est par suite de notre ignorance des mécanismes de la langue que la mythologie des peuples les plus raisonnables nous semble envahie d’imaginations d’une «révoltante immoralité». La mythologie n’est pas gratuite, elle n’est pas la fabulation naïve d’une humanité dans l’enfance, elle est une nécessité inhérente au langage, cette forme extérieure de la pensée. «Elle est en un mot l’ombre obscure que le langage jette sur la pensée», à un moment de sa genèse.

Il ne restait plus qu’à découvrir derrière l’écran des noms et des personnifications mythiques les formes du spectacle de la nature qui avaient impressionné l’humanité la plus ancienne dans la phase mythopoïétique. Müller a largement privilégié le soleil et la lumière, tandis qu’une école rivale préférait la fureur des orages et les merveilles de la tempête. Ce sont là différences de tempérament mythologique face à la nature comme spectacle. Et les étudiants de Dublin ne manquèrent pas de montrer, par les mêmes procédés, que le savant indianiste lui-même n’était qu’un héros solaire. Mais l’essentiel est dans un choix venu de présupposés philosophiques: la mythologie est le monde de l’apparence, et il faut l’expliquer par l’illusion dont elle procède, une illusion originelle et nécessaire de l’esprit sur soi.

Les œuvres de Müller ont été publiées dans Collected Works (20 vol., Londres, 1898-1899).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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